Dans les coulisses d'une classe inversée
Episode 7 - 2e semaine, au plein coeur de l'expérimentation

La mise en place de la fiche de groupe

Dès le premier cours de la semaine, j'annonce les mesures : dates des différentes vidéos à voir (notées aussi à l'avance sur pronote) et mise en place de la fiche de travail par îlot. En parallèle, je fais les explications collectives en début d'heure pour ne pas à avoir à les interrompre pendant la séance et je ne cherche plus à donner les mêmes explications à tous les îlots. A partir d'un travail en amont, j'ai préparé des explications spécifiques à chaque groupe à partir de leurs réponses aux questionnaires.

Les effets sont immédiats, l'ambiance de travail en classe est plus calme, je suis moins speed et n'est plus cette sensation de perdre le contrôle de la classe.

Les élèves continuent comme la semaine passée à être très actifs dans leur série d'exercices. J'ai l'impression qu'ils ont bien plus vite trouvé leurs repères que moi et du coup, ils me boostent pour continuer dans cette voie.


L'effet de la nouveauté s'estompe

Pour être très objective, tout ne roule pas comme sur des roulettes. L'effet de la nouveauté s'estompe et du coup, certains élèves regardent moins les vidéos et les questionnaires à la maison. Ils restent à la marge et ils coincident avec une partie de ceux qui ne faisaient déjà pas leurs exercices avec la méthode traditionnelle.

Par ailleurs, si la semaine passée, il m'a été difficile d'identifier des élèves qui ne faisaient pas leurs maths, cette semaine, les amuseurs de galerie se sont réaffirmés. Chassez le naturel, il revient au galop !

Il y a aussi ceux qui ont des problèmes pour accéder à internet, qui avaient par curiosité trouvé le moyen de se connecter la 1re semaine et n'ont pas cherché à en refaire autant ici. 

Tout cela m'a amenée à remodifier mon plan de salle en éclatant mon 8e îlot en deux tables de deux : la première servira à isoler certains élèves qui travailleront momentanément individuellement, la deuxième à mettre à disposition un ordinateur sur lequel les élèves pourront (re)voir les vidéos si besoin. En effet, pour ne pas pénaliser les élèves qui pourraient ne pas pouvoir accéder aux vidéos hors la classe, je leur laisse les trois moyens proposés en formation :

- accès via l'ordinateur de la classe pendant le cours,
- pendant les récréations,
- sur clé USB


La confirmation des observations de la semaine passée

En parallèle, d'autres points constatés la semaine dernière se confirment et s'intensifient :

  • L'interactivité avec les élèves est toujours plus soutenue qu'avant.

  • Les questions des élèves sur le cours se précisent. 

Alors que je me suis toujours "bagarrée" avec les élèves qui me disaient "j'y comprends rien" pour qu'ils formulent précisement ce qu'ils ne comprenaient pas, sans le savoir et sans le chercher, le questionnaire leur donne ici un outil pour le faire.

  • Les apprentissages se renforcent.

Je suis très agréablement surprise par des élèves en difficulté. A tort, pour certains en particulier, je pensais que leurs mauvais résultats provenaient d'un manque de travail de leur part. Sur ces deux premières semaines, je n'ai pu que constater leur assiduité et leur régularité à remplir les questionnaires et recopier leurs cours et leur motivation à faire des progrès à partir des questions qu'ils me soumettaient en ligne. En classe, j'ai pu davantage leur apporter une aide ciblée car je savais mieux comment les aider. En deux semaines, je les ai vus s'impliquer davantage chaque jour en cours et les ai aussi vus sourire. C'est un réel bonheur pour un enseignant !

  • L'autonomie des élèves se développe.

En acceptant de ne plus donner les mêmes explications à tous, j'ai constaté l'autonomie dont pouvait faire preuve les îlots de bons élèves (et pas qu'eux par ailleurs). Ils étaient même fiers de me montrer qu'ils géraient bien tous seuls et qu'ils arrivaient à avancer loin dans les séries d'exercices. Bien sûr, je ne pouvais pas non plus lâcher complètement prise et vérifiais bien leurs cahiers pour débusquer quelques petites coquilles que je pourrais leur expliquer... et il n'y en avait pas ou très peu. Dans ces groupes aussi, la bonne humeur était présente. "Madame, vous savez, on a parlé quelques minutes d'autres choses mais on s'est vite remis au travail"... c'est ce que nous nous autorisons tous à faire professionnellement. Finalement pourquoi ne pas l'accepter des élèves d'autant plus si le travail est fait, bien fait et même au-delà.


Les retours des élèves

Cette deuxième semaine d'expérimentation précède la semaine de conseils de classe. A la fin de chaque trimestre, avant ces conseils , j'ai pris l'habitude de sonder par écrit les élèves pour faire un point avec eux sur la période. Je profite de ce rituel pour rajouter quelques questions sur la classe inversée et avoir leurs premiers ressentis.

  • Leurs réponses sont révélatrices. Sur les 80 élèves sondés :

- trois quarts affirment comprendre mieux et s'ennuyer moins.
- 70 % disent travailler mieux.
- 77 % préfèrent la classe inversée aux cours traditionnels et 9 % aiment bien les deux.

  • A propos des vidéos
Pour 4 élèves, "c'est comme d'habitude". Pour 5, "c'est difficile". Pour tous les autres, "c'est plus utile, plus pratique, plus facile".
L'un des arguments qui revient le plus c'est le fait de pouvoir travailler le cours à son rythme :

- "Les vidéos sont bien car on peut avancer chacun à son rythme. Elles sont  utiles, plus simples à comprendre."
- "Je préfère regarder les vidéos que recopier le cours en classe car à la maison si on n'a pas compris les exercices, c'est dur."
- "c'est bien car on peut remettre avant si on n'a pas compris et cela permet à tout le monde de progresser"

  • A propos des questionnaires
Pour 3 élèves, "ce n'est pas très utile". Pour 1, "c'est des fois oui, des fois non". Pour tous les autres, "c'est (très) utile".
Parmi les arguments, c'est une meilleure compréhension qui est le plus mis en avant :

- "Les questionnaires sont utiles pour voir si on a compris ou non."
- "Très bonne idée pour vérifier notre compréhension."
- "J'aime bien, c'est rapide à compléter et ça permet de se tester."
- "J'aime bien, comme ça si on a faux, la prof nous explique les erreurs."

  • A propos du travail en îlots
Pour 3 élèves, c'est "difficile". Pour 1, "peu importe tant que je peux travailler". Pour tous les autres, "c'est bien".
Selon les élèves, ce sont les échanges et l'entraide qui sont appréciés dans ce travail :

- "J'aime bien quand tout le monde bosse."
- "ça permet d'échanger les connaissances et de s'entraider."
- "Il y a plus d'échanges et de réflexion."
- "J'aime bien, ça permet de donner ses réponses et après les regrouper et c'est mieux que travailler seul."

  • Très peu d'arguments négatifs 

- "C'est nul, je comprends rien. Aucune ambiance, c'est devenu ennuyant." : retour d'un élève showman qui a perdu son public et ne peut plus amuser la galerie entière !
- "On ne pas pas poser de questions et je comprends encore moins." : retour d'un élève qui n'a jamais posé de questions en classe et qui n'en a posé non plus dans les questionnaires en ligne